L'intérêt de l'application de la loi Badinter dans une optique de réparation intégrale du préjudice.
- Maître Sarah Sicard
- 3 mars
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En considérant qu’une personne se retrouve victime d’un dommage corporel relevant de la législation sur les accidents de la circulation alors qu’elle apportait une aide mécanique bénévole au conducteur du véhicule impliqué, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation permet une application des dispositions protectrices de la loi Badinter (2e Civ., 14 juin 2018, n° 17-21401).
La loi Badinter sur l'indemnisation des accidents de la circulation est plus protectrice pour les victimes que le droit commun.
2e Civ., 14 juin 2018, n° 17-21.401
Cet arrêt en date du 14 juin 2018 rendue par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation présente un intérêt quant à l’étendue du domaine d’application de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation dite « loi Badinter ».
En l’espèce, M. X avait proposé son aide bénévole pour réparer le véhicule appartenant à M. A stationné à son domicile. Alors que le tiers aidant était en train de changer une pièce mécanique dans le moteur, le propriétaire du véhicule a mis en route le moteur par inadvertance causant un dommage corporel au tiers.
La Cour d’appel de Versailles a considéré que le sinistre avait pour seule origine « le comportement fautif de l’homme et non [le] rôle spontané du véhicule ». Dans ces circonstances, l’action en réparation du dommage ne devait pas se fonder sur la loi du 5 juillet 1985 (sur les accidents de la circulation) mais sur le fondement d’une faute d’imprudence du propriétaire du véhicule.
Devant la Cour de cassation, s’est posée la question de droit suivante : Le sinistre ayant pour origine le démarrage d’un moteur d’un véhicule en réparation, stationné, immobile, au domicile de son propriétaire peut-il être qualifié d’accident de la circulation au sens de l’article 1 de la loi du 5 juillet 1985 ?
Les magistrats de la Cour de cassation y ont répondu positivement et ont cassé l’arrêt d’appel aux motifs « qu’en statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que M. X avait été blessé par le fonctionnement du moteur du véhicule, de sorte que même si celui-ci était stationné et immobile, il était impliqué dans un accident de la circulation au sens de l’article 1er de la loi du 5 juillet 1985, la cour d’appel a violé le texte susvisé par refus d’application ».
Cette décision s’inscrit dans la jurisprudence de la Cour de cassation en matière d’accident de la circulation. La Cour a déjà énoncé à plusieurs reprises que sont dans le domaine de la loi Badinter les accidents impliquant des véhicules stationnés sur la voie publique ou sur un lieu d’habitation qui sont à l’origine d’un incendie (Ccass., 2e chambre civile 25 octobre 2007 ; Ccass., 2e chambre civile 22 mai 2014). Avec précaution il est possible de distinguer en l’espèce, que la Cour de cassation semble accorder de l’importance au « fonctionnement du moteur » qui est à l’origine du dommage.
Cet arrêt élargi le domaine de la loi Badinter mais sans grande surprise, puisqu’il s’inscrit dans l’esprit de la loi, à savoir, indemniser les victimes de dommages résultant du risque créé par la simple existence des véhicules.
En pratique, cette décision est favorable pour les victimes non-conductrices qui verront s’appliquer les règles protectrices de l’article 3 de la loi Badinter qui réduisent à peau de chagrin les causes de limitations ou d’exclusion du droit à indemnisation, et ce, dans le but de leur faire bénéficier d’un droit à la réparation intégrale de leurs préjudices.